20.3 Aquaponie et politiques de l'UE
Les politiques nationales ne peuvent être analysées que pour chaque pays. Nous nous concentrons donc sur les politiques pertinentes de l’UE.
20.3.1 Aperçu des politiques pertinentes de l’UE
La politique commune de la pêche (PCP) et la politique agricole commune (PAC) s’appliquent respectivement aux composantes aquaculture et hydroponique de l’aquaponie (Commission européenne 2012, Commission européenne 2013). Les politiques relatives à la sécurité alimentaire, à la santé et au bien-être des animaux, à la protection des végétaux et à l’environnement (déchets et eau) s’appliquent également.
20.3.1.1 Politique agricole commune
La politique de développement rural, également appelée deuxième pilier de la PAC, met l’accent sur l’accroissement de la compétitivité et la promotion de l’innovation (Ragonnaud 2017). Chaque État membre dispose d’au moins un programme de développement rural. La plupart des pays se sont fixé des objectifs de formation, de restructuration et de modernisation des exploitations existantes, de création de nouvelles exploitations et de réduction des émissions. Des mesures contre l’utilisation excessive d’engrais inorganiques ont été introduites dans la PAC ainsi que dans les politiques environnementales et sont réglementées par la directive européenne sur les nitrates (directive 91/676/CEE 1991) et la directive-cadre sur l’eau (DCE).
20.3.1.2 Politique commune de la pêche
La réforme de la PCP et les orientations stratégiques pour le développement durable de l’aquaculture dans l’UE ont été publiées par la Commission afin d’aider les pays de l’UE et les parties prenantes à relever les défis auxquels le secteur est confronté. L’accent est mis sur la facilitation de la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau en ce qui concerne l’aquaculture (Commission européenne, 2013).
La PCP exige l’élaboration d’un plan stratégique national pluriannuel dans chaque État membre assorti de stratégies de promotion et de développement du secteur de l’aquaculture (Commission européenne 2016). Compte tenu de leur histoire et de leurs espèces cultivées, chaque État membre peut soutenir ses technologies aquacoles existantes, mais aussi en développer de nouvelles, telles que l’aquaponie. Cette stratégie devrait conduire à une augmentation de la production et à une réduction de la dépendance à l’égard des importations. Les principales actions prévues par les États membres sont la simplification des procédures administratives, l’aménagement du territoire coordonné, le renforcement de la compétitivité et la promotion de la recherche et du développement.
Dans le cadre de la PCP, un Conseil consultatif de l’aquaculture (CCA) a été créé. L’objectif principal de l’AAC est de fournir des conseils et des recommandations aux institutions européennes et aux États membres sur les questions liées au développement durable du secteur aquacole (Sheil 2013).
L’un des objectifs de la PCP et de la PAC est d’accroître la compétitivité et la durabilité de l’aquaculture et de l’agriculture, respectivement (Massot, 2017). L’un des objectifs de la PCP est d’exploiter l’avantage concurrentiel en obtenant des normes de production de qualité, de santé et d’environnement.
20.3.1.3 Politique de l’UE en matière de sécurité alimentaire
L’objectif de la politique de sécurité alimentaire de l’UE est de garantir des aliments sûrs et nutritifs provenant d’animaux et de plantes sains tout en soutenant l’industrie alimentaire (Commission européenne, 2014). La politique intégrée de sécurité alimentaire comprend également le bien-être des animaux et la santé des végétaux. Dans la stratégie pour le bien-être des animaux, il y a une action sur le bien-être des poissons d’élevage ; toutefois, il n’y a pas de règles spécifiques en place (Commission européenne, 2012).
20.3.1.4 Politiques environnementales
Les impacts environnementaux de l’aquaculture sont réglementés en vertu d’une série d’exigences légales de l’UE, notamment la qualité de l’eau, la biodiversité et la pollution. Les politiques environnementales pertinentes pour les opérateurs aquaponiques sont la stratégie de prévention et de recyclage des déchets (Commission européenne 2011) et la septième
Programme d’action (PAE) dans le cadre de la politique environnementale de l’UE (Union européenne 2014).
20.3.2 Comment l’Aquaponie peut contribuer aux objectifs des politiques et stratégies de l’UE
L’aquaponie peut contribuer aux objectifs de développement mentionnés dans ces politiques, les principaux facteurs étant la réduction de la consommation d’eau et des déchets provenant de la production de poissons grâce au recyclage des nutriments. L’eau rejetée est transformée en ressource et les déchets solides peuvent être valorisés comme engrais végétaux. Étant donné que l’aquaponie moderne repose sur des systèmes aquacoles recirculants, ces opérations sont relativement indépendantes de leur emplacement et peuvent contribuer à la production alimentaire régionale et aux chaînes de valeur, même dans les zones urbaines. Les systèmes d’aquaculture ouverte ont des contraintes : utilisation des ressources en eau, pollution, réduction localisée de la biodiversité benthique, dragage important des plans d’eau, modification physique des terres, modification du débit d’eau et introduction d’espèces exotiques (Union européenne, 2016). Cependant, l’atténuation de la plupart des contraintes est possible dans les systèmes aquaponiques. Comparé aux systèmes hydroponiques, l’aquaponie réduit l’utilisation d’engrais minéraux, souvent exploités de façon non durable.
L’une des priorités des orientations stratégiques en matière d’aquaculture est d’améliorer l’accès à l’espace et à l’eau (Commission européenne, 2013). La concurrence entre les différentes parties prenantes et souvent des règles environnementales strictes limitent le développement ultérieur des systèmes aquacoles ouverts au sein de l’UE. Cependant, les systèmes aquaponiques peuvent être situés presque n’importe où, y compris les déserts et les sols dégradés et les îles sableuses salées, car une boucle fermée utilise un minimum d’eau. Par conséquent, il peut utiliser un espace qui ne convient pas à d’autres systèmes de production alimentaire, comme les toits, les sites industriels abandonnés et les terres généralement non arables ou contaminées. Étant donné que l’aquaponie réutilise 90 à 95 % de l’eau, elle dépend beaucoup moins de la disponibilité de l’eau que d’autres systèmes comme l’aquaculture ouverte, l’hydroponie et l’agriculture d’irrigation.
Tout comme dans les systèmes aquacoles en recirculation, l’un des avantages des systèmes aquaponiques commerciaux plus importants est la possibilité d’obtenir un niveau élevé de biosécurité, dans lequel les conditions environnementales peuvent être entièrement contrôlées pour assurer un environnement sain pour les poissons (Badiola et al., 2012), réduisant ainsi le risque de les maladies et les épidémies de parasites (Yanong et Erlacher-Reid 2012). En raison du contrôle accru de la production, le risque de pertes est plus faible (Yanong et Erlacher-Reid, 2012), ce qui peut donner aux agriculteurs aquaponiques un avantage concurrentiel par rapport aux agriculteurs traditionnels. D’autre part, l’utilisation d’une source d’azote pour cultiver deux produits (Somerville et al., 2014) augmente le risque d’investissement, car il faut maximiser la production de poissons et de plantes pour réaliser des bénéfices. Cependant, si cela est fait avec succès, combiné aux perceptions positives sur les marchés occidentaux de produits plus respectueux de l’environnement, des revenus élevés peuvent être atteints (Somerville et al., 2014).
L’un des objectifs de la stratégie sur la prévention et le recyclage des déchets (Commission européenne 2011) consiste à introduire une réflexion sur le cycle de vie qui tienne compte d’une série d’impacts environnementaux. Il mentionne que la prévention des déchets est la priorité, suivie de la réutilisation, du recyclage, de la récupération et de la dernière élimination. En outre, l’un des domaines prioritaires du septième PAE vise la transformation de l’UE en une économie économe en ressources et sobre en carbone, en mettant l’accent sur l’utilisation des déchets en tant que ressource (Union européenne 2014). Les systèmes aquaponiques minimisent la production de déchets (Goddek et al., 2015). L’eau dans les systèmes aquaponiques est recirculée, de sorte que les eaux usées sont réduites au minimum. En utilisant l’eau de traitement du poisson pour la nutrition des plantes, les déchets organiques provenant de l’aquaculture sont réutilisés dans la composante hydroponique du système aquaponique. Les déchets solides produits dans un système aquaponique peuvent être minéralisés et retournés dans le système ou utilisés comme compost pour l’agriculture basée sur le sol. Aquaponics favorise également la production alimentaire locale, réduisant ainsi les coûts de transport. Enfin, en plaçant les fermes aquaponiques en milieu urbain, il peut apporter une valeur écologique dans les villes et jouer un rôle dans l’adaptation au changement climatique.
20.3.3 Soutien financier de l’UE
Le septième programme-cadre (dans le cadre financier pluriannuel de la Commission européenne) a financé quelques projets liés à l’aquaponie. Le programme-cadre de l’UE Horizon 2020 (défi 2 « Sécurité alimentaire, agriculture et sylviculture durables, recherche marine, maritime et fluviale et bioéconomie » et défi 5 « Action pour le climat, environnement, efficacité des ressources et matières premières ») finance plusieurs initiatives en matière d’aquaponie y compris l’action COST FA1305 « The EU Aquaponics Hub : Réaliser une production intégrée durable de poissons et de légumes pour l’UE », visant à promouvoir l’innovation et le renforcement des capacités par un réseau de chercheurs et d’entreprises d’aquaponie commerciale.
Parmi les autres possibilités de financement possibles pour des projets de développement aquaponique au titre du cadre financier pluriannuel de la Commission européenne figurent le partenariat européen d’innovation « Productivité et durabilité agricoles » (EIP-AGRI), un partenariat de recherche et d’innovation à long terme entre l’UE et l’Afrique dans le domaine de l’alimentation et de la la sécurité nutritionnelle et l’agriculture durable (LEAP-AGRI), l’instrument pilote du Conseil européen de l’innovation pour les petites et moyennes entreprises (instrument PME), l’initiative ERANET MED _Partenariat pour la recherche et l’innovation dans la zone méditerranéenne (PRIMA) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche ( EMFF). Le FEAMP peut soutenir les institutions de recherche et les universités ainsi que les entreprises ; toutefois, il nécessite des taux de cofinancement différents.
20.3.4 Conclusions sur le paysage politique global de l’UE
Jusqu’à présent, aucune des politiques et lignes directrices de l’UE ne mentionne explicitement l’aquaponie. Selon la DG MARE, les réglementations relatives à l’aquaponie doivent être résolues au sein des différents États membres (action COST FA1305 2017), par exemple impliquant des actions résultant des plans stratégiques nationaux respectifs. Même s’il n’existe pas de cadre européen explicite pour l’aquaponie, il s’agit d’un système agricole innovant qui peut contribuer à de nombreuses priorités définies par les politiques et stratégies de l’UE. Le soutien de l’UE par le biais de mesures financières contribue à la poursuite du développement de la technologie. Toutefois, ces projets visent principalement les projets de recherche, tandis que le secteur a également besoin d’aide pour le développement commercial grâce à l’appui de projets de validation de concept. En fait, il existe jusqu’à présent très peu de systèmes aquaponiques commerciaux performants dans l’UE, de sorte qu’à l’heure actuelle, une politique aquaponique n’est peut-être pas nécessaire. Toutefois, en fin de compte, la reconnaissance et la prise en compte de la technologie dans les politiques existantes seront bénéfiques pour le développement du secteur.