14.4 Le rôle de la matière organique dans les activités de contrôle biologique dans les systèmes aquaponiques
Dans [Sect. 14.2.3](/community/articles/14-2-microorganismess-in-aquaponics #1423 -Microorganismes bénéfiques en aquaponie ፦The-Possibilités), la suppressivité des systèmes aquaponiques a été suggérée. Comme indiqué précédemment, l’hypothèse principale est liée à la recirculation de l’eau comme c’est le cas pour les systèmes hydroponiques. Cependant, une deuxième hypothèse existe et ceci est lié à la présence de matière organique dans le système. Matière organique qui pourrait conduire à un écosystème microbien plus équilibré, y compris des agents antagonistes qui sont moins appropriés pour les pathogènes végétaux (Rakocy, 2012).
En aquaponie, la matière organique provient de l’approvisionnement en eau, des aliments non consommés, des excréments de poisson, du substrat végétal organique, de l’activité microbienne, des exsudats racinaires et des résidus végétaux (Waechter-Kristensen et al., 1997 ; Naylor et al., 1999 ; Waechter-Kristensen et al., 1999). Dans un tel système, les bactéries hétérotrophes sont des organismes capables d’utiliser la matière organique comme source de carbone et d’énergie, généralement sous forme de glucides, d’acides aminés, de peptides ou de lipides (Sharrer et al., 2005 ; Willey et al., 2008 ; Whipps, 2001). Dans l’aquaculture recirculée (RAS), ils sont principalement localisés dans le biofiltre et consomment des particules organiques qui y sont piégées (Leonard et al., 2000 ; Leonard et al., 2002). Cependant, une autre source de carbone organique pour les bactéries hétérotrophes est les substances humiques présentes sous forme de matière organique dissoute et responsables de la coloration jaune-brunâtre de l’eau (Takeda et Kiyono 1990 cité par Leonard et al. 2002 ; Hirayama et al., 1988). Dans le sol comme dans l’hydroponique, les acides humiques sont connus pour stimuler la croissance des plantes et soutenir la plante dans des conditions de stress abiotique (Bohme, 1999 ; du Jardin, 2015). Les protéines présentes dans l’eau peuvent être utilisées par les plantes comme source d’azote alternative, améliorant ainsi leur croissance et leur résistance aux agents pathogènes (Adamczyk et al., 2010). Dans l’eau recirculée, l’abondance des bactéries hétérotrophes libres est corrélée à la quantité de carbone organique et de rapport carbone-azote (C/N) biologiquement disponible (Leonard et al., 2000 ; Leonard et al., 2002 ; Michaud et al., 2006 ; Attramadal et al., 2012). Dans le biofiltre, une augmentation du rapport C/N augmente l’abondance des bactéries hétérotrophes au détriment du nombre de bactéries autotrophes responsables du processus de nitrification (Michaud et al., 2006 ; Michaud et al., 2014). Comme on le laisse entendre, les micro-organismes hétérotrophes peuvent avoir un impact négatif sur le système parce qu’ils rivalisent avec les bactéries autotrophes (p. ex. les bactéries nitrifiantes) pour l’espace et l’oxygène. Certains d’entre eux sont des agents pathogènes des plantes ou des poissons, ou sont responsables de l’altération de la saveur des poissons (Chang-Ho, 1970 ; Funck-Jensen et Hockenhull, 1983 ; Jones et al., 1991 ; Leonard et al., 2002 ; Nogueira et al., 2002 ; Michaud et al., 2006 ; Mukerji, 2006 ; Whipps, 2001 ; Rurangwa et Verdegem, 2015). Cependant, les micro-organismes hétérotrophes impliqués dans le système peuvent aussi être positifs (Whipps 2001 ; Mukerji 2006). Plusieurs études utilisant des engrais organiques ou des milieux organiques sans sol, en hydroponie, ont montré des effets intéressants là où le microbiote résident était capable de lutter contre les maladies des plantes (Montagne et al., 2015). Tous les substrats organiques ont leurs propres propriétés physico-chimiques. Par conséquent, les caractéristiques du milieu influenceront la richesse et les fonctions microbiennes. Le choix d’un milieu végétal spécifique pourrait donc influencer le développement microbien de manière à avoir un effet suppresseur sur les agents pathogènes (Montagne et al. 2015 ; Grunert et al. 2016 ; Montagne et al., 2017). Une autre possibilité de suppression des agents pathogènes liés au carbone organique est l’utilisation d’amendements organiques dans l’hydroponie (Maher et al., 2008 ; Vallance et al., 2010). En ajoutant du compost dans des milieux sans sol comme il est utilisé couramment dans le sol, on s’attend à des effets suppressifs (Maher et al., 2008). Il est également possible d’améliorer ou de maintenir un micro-organisme spécifique tel que la population de Pseudomonas en ajoutant certaines sources de carbone formulées (p. ex. produit à base de nitrapyrine), tel que rapporté par Pagliaccia et coll. (2007) et Pagliaccia et coll. (2008). L’émergence d’une culture organique sans sol met également en évidence l’implication de micro-organismes bénéfiques contre les pathogènes végétaux soutenus par l’utilisation d’engrais organiques. Fujiwara et coll. (2013), Chinta et coll. (2014) et Chinta et coll. (2015) ont signalé que la fertilisation avec de la liqueur raide au maïs aide à contrôler Fusarium oxysporum f.sp. lactucae et Botrytis cinerea sur les laitues et Fusarium oxysporum f.sp. radicis-lycopersici sur les plants de tomates. Et même s’il est peu conseillé pour une utilisation aquaponique, 1 g/L d’engrais soluble à base de poisson (Shinohara et al. 2011) supprime le flétrissement bactérien sur la tomate causé par Ralstonia solanacearum en hydroponie (Fujiwara et al., 2012).
Enfin, bien que les informations sur l’impact de la matière organique sur la protection des végétaux en aquaponie soient rares, les divers éléments mentionnés ci-dessus montrent leur capacité potentielle à promouvoir un microbiote spécifique à un système et suppresseur d’agents pathogènes végétaux.