10.2 Mise en œuvre du traitement des eaux usées en aquaponie
En aquaponie, les eaux usées chargées de solides (c’est-à-dire les boues) constituent une source précieuse de nutriments, et des traitements appropriés doivent être effectués. Les objectifs de traitement diffèrent du traitement conventionnel des eaux usées parce que dans l’aquaponie, les solides et la conservation de l’eau sont intéressants. De plus, quel que soit le traitement des eaux usées appliqué, son objectif devrait être de réduire les solides tout en minéralisant ses nutriments. En d’autres termes, l’objectif est d’obtenir un effluent sans solides mais riche en nutriments solubilisés (anions et cations) qui peut être réinséré dans la boucle d’eau en configuration couplée (fig. 10.1a) ou directement dans les lits de culture hydroponique en configuration découplée (fig. 10.1b). Les matières solides des boues de poisson sont principalement composées de matières organiques dégradables, de sorte que la réduction solide peut être appelée réduction organique. En effet, les molécules organiques complexes (protéines, lipides, hydrates de carbone, etc.) sont principalement composées de carbone et seront progressivement réduites à des composés de poids moléculaire inférieur jusqu’à ce que les formes gazeuses ultimes de COSub2/Sub et CHSub4/Sub (dans le cas de la fermentation anaérobie). Au cours de ce processus de dégradation, les macronutriments (N, P, K, Ca, Mg et S) et les micronutriments (c.-à-d. Fe, Mn, Zn, Cu, B et Mo) qui étaient liés aux molécules organiques sont libérés dans l’eau sous leurs formes ioniques. Ce phénomène est appelé lessivage des éléments nutritifs ou minéralisation des éléments nutritifs. On peut supposer que lorsqu’une forte réduction organique est atteinte, une minéralisation élevée des éléments nutritifs serait également obtenue. D’une part, les boues contiennent une proportion de minéraux non dissous et, d’autre part, certains macro- et micronutriments sont libérés au cours du processus de minéralisation. Ceux-ci peuvent rapidement précipiter ensemble et former des minéraux insolubles. L’état entre les ions et les minéraux précipités de la plupart des macro- et micronutriments dépend du pH. Les minéraux les plus connus qui précipitent dans les bioréacteurs sont le phosphate de calcium, le sulfate de calcium, le carbonate de calcium, la pyrite et la struvite (Peng et al. 2018 ; Zhang et al. 2016). Conroy et Couturier (2010) ont observé que le Ca et le P étaient libérés dans un réacteur anaérobie lorsque le pH était inférieur à 6. Ils ont montré que la libération correspondait exactement à la minéralisation du phosphate de calcium. Goddek et al. (2018) ont également observé la solubilisation du P, du Ca et d’autres macronutriments dans le réacteur de couverture de boues anaérobies en amont (UASB) qui est devenu acide. Jung et Lovitt (2011) ont signalé une mobilisation de 90 % d’éléments nutritifs des boues dérivées de l’aquaculture à un pH très faible de 4. Dans cette condition, tous les macro- et micronutriments ont été solubilisés. Il y a donc un antagonisme entre la réduction organique et la minéralisation des nutriments. En effet, la réduction organique est maximale lorsque les micro-organismes sont actifs pour dégrader les composés organiques, ce qui se produit à un pH de 6—8. Étant donné que le lessivage des éléments nutritifs se produit à un pH inférieur à 6, pour une réduction organique optimale et une minéralisation des éléments nutritifs, le plus efficace serait de diviser le procédé en deux étapes, à savoir une étape de réduction organique à un pH proche du neutre et une étape de lessivage des éléments nutritifs dans des conditions acides. À notre connaissance, aucune opération utilisant cette approche en deux étapes n’a encore été signalée. Cela ouvre un nouveau champ dans le traitement des eaux usées et des recherches supplémentaires pour la mise en œuvre en aquaponie sont nécessaires.
Fig. 10.1 Mise en œuvre schématique du traitement des boues dans le système aquaponique à une seule boucle** (a) ** et dans le système aquaponique découplé** (b) **
Le choix des aliments pour animaux est également important dans ce contexte. Dans les aliments à base d’animaux où une fraction majeure d’ingrédients est encore basée sur des sources animales (p. ex. farine de poisson, farine d’os), le phosphate lié, par exemple sous forme d’apatite (dérivé de farine d’os), est facilement disponible dans des conditions acides, tandis que les aliments à base de plantes contiennent du phytate comme source majeure de phosphate. Le phytate, contrairement à l’apatite, nécessite une conversion enzymatique (phytase) (Kumar et al., 2012), de sorte que le phosphate n’est pas aussi facile à obtenir.