10.1 Introduction
Le concept d’aquaponie est associé à un système de production durable, car il réutilise les eaux usées du système d’aquaculture en recirculation (RAS) enrichies en macronutriments (azote (N), phosphore (P), potassium (K), calcium (Ca), magnésium (Mg) et soufre (S)) et micronutriments (fer (Fe), manganèse (Mn), zinc (Zn), cuivre (Cu), bore (B) et molybdène (Mo)) pour fertiliser les plantes (Graber et Junge 2009 ; Licamele 2009 ; Nichols et Savidov 2012 ; Turcios et Papenbrock 2014). Une question qui fait l’objet d’un débat est de savoir si ce concept peut correspondre à sa propre ambition d’être un système à boucle quasi fermée, car des quantités élevées de nutriments qui pénètrent dans le système sont gaspillées en rejetant les boues de poisson riches en nutriments (Endut et al., 2010 ; Naylor et al., 1999 ; Neto et Ostrensky, 2013). En effet, pour maintenir une bonne qualité de l’eau dans un système RAS et aquaponique, l’eau doit être filtrée en permanence pour l’élimination des solides. Les deux principales techniques de filtration solide sont de retenir les particules dans un maillage (c’est-à-dire la filtration à mailles comme filtres à tambour) et de permettre aux particules de décanter dans des clarificateurs. Dans la plupart des installations conventionnelles, les boues sont récupérées à partir de ces dispositifs de filtration mécanique et sont rejetées sous forme d’eaux usées. Dans le meilleur des cas, les boues sont séchées et appliquées comme engrais sur les champs terrestres (Brod et al., 2017). Notamment, jusqu’à 50 % (en matière sèche) des aliments ingérés sont excrétés sous forme de solides par les poissons (Chen et al., 1997), et la plupart des nutriments qui pénètrent dans les systèmes aquaponiques par l’intermédiaire des aliments pour poissons s’accumulent dans ces solides et donc dans les boues (Neto et Ostrensky, 2013 ; Schneider et al., 2005). Par conséquent, une filtration solide efficace élimine, par exemple, plus de 80 % du précieux P (Monsees et al., 2017) qui pourrait autrement être utilisé pour la production végétale. Par conséquent, le recyclage de ces nutriments précieux pour les applications aquaponiques est d’une importance capitale. La mise au point d’un traitement approprié des boues capable de minéraliser les nutriments contenus dans les boues en vue de les réutiliser dans l’unité hydroponique semble être un processus nécessaire pour contribuer à fermer davantage la boucle nutritive et réduire ainsi l’impact environnemental des systèmes aquaponiques (Goddek et al., 1998). 2015 ; Goddek et Keesman 2018 ; Goddek et Körner 2019).
Il a été démontré dans des études expérimentales que le complément d’une solution nutritive aquaponique (c.-à-d. après l’ajout de nutriments manquants) favorise la croissance des plantes comparativement à l’hydroponie (Delaide et al. 2016 ; Ru et al. 2017 ; Saha et al. 2016). Par conséquent, la minéralisation des boues est également un moyen prometteur d’améliorer les performances du système aquaponique car les nutriments récupérés sont utilisés pour compléter la solution aquaponique. En outre, les unités de minéralisation sur site peuvent également accroître l’autosuffisance des installations aquaponiques, en particulier en ce qui concerne les ressources finies en tant que P, ce qui est essentiel à la croissance des plantes. P est produit par des activités minières, où les gisements ne sont pas répartis également dans le monde entier. De plus, son prix a augmenté de 800 % au cours de la dernière décennie (McGill, 2012). Ainsi, les unités de minéralisation appliquées dans les systèmes aquaponiques sont également susceptibles d’accroître son succès économique et sa stabilité.
Le traitement des boues en aquaponie doit être abordé différemment de ce qui a été fait par le passé. En effet, dans le traitement conventionnel des eaux usées, l’objectif principal est d’obtenir un effluent décontaminé et propre. Les performances du traitement sont exprimées en termes d’élimination des contaminants (p. ex. solides, azote (N), phosphore (P), etc.) des eaux usées et en quantifiant les effluents en fonction de leur qualité (Techobanoglous et al., 2014). À l’aide de cette approche conventionnelle, plusieurs études ont fourni des preuves quantitatives selon lesquelles une proportion constante de la demande chimique en oxygène (DCO) et des solides totaux en suspension (TSS) peut être éliminée en digérant les eaux usées du SAR dans des conditions aérobies, anaérobies et aérobies séquentielles (Goddek et al. 2018 ; Chowdhury et coll. 2010 ; Mirzoyan et coll. 2010 ; Van Rijn 2013). Cependant, dans les systèmes aquaponiques, les eaux usées provenant des poissons sont considérées comme une source d’engrais précieuse. Dans le cadre d’une approche en boucle fermée, la partie solide rejetée doit être minimisée (c’est-à-dire maximisée de la réduction organique) et la teneur en éléments nutritifs des effluents doit être maximisée (c’est-à-dire la minéralisation des éléments nutritifs maximale). Par conséquent, la performance du traitement des eaux usées en aquaponie ne doit plus être exprimée en termes d’élimination des contaminants, mais en termes de réduction des contaminants et de minéralisation des éléments nutritifs.
Quelques études ont démontré la capacité fonctionnelle de digérer les boues de poisson à l’aide de traitements aérobies et anaérobies à des fins de réduction organique (Goddek et al., 2018 ; van Rijn et al., 1995). Avec le traitement anaérobie dans le bioréacteur, il est possible d’obtenir un rendement élevé de réduction de la matière sèche (c.-à-d. plus de 90 %), alors que le méthane peut également être produit (van Lier et al. 2008 ; Mirzoyan et Gross 2013 ; Yogev et al. 2016).
Le traitement aérobie des boues est également un moyen très efficace de réduire la matière organique, qui est oxydée en COSub2/sub pendant la respiration (voir Eq. 10.1). Par exemple, des taux de réduction de 90 % (déterminés ici en tant que matières solides en suspension, DCO et DBO) ont été signalés dans une installation de récupération des ressources en eau (Seo et al., 2017). Les processus aérobiques sont plus rapides que l’anaérobie, mais ils peuvent être plus coûteux (Chen et al., 1997) car une aération constante du mélange boue-eau nécessite des pompes ou des moteurs à forte intensité énergétique. De plus, des fractions importantes des nutriments sont converties en biomasse microbienne et ne restent pas dissoutes dans l’eau.
Bien que ces études aient démontré le potentiel de réduction organique des boues de poisson, seuls quelques auteurs ont examiné le rejet de certains éléments nutritifs (p. ex. pour l’azote et le phosphore) provenant des boues de poisson. La plupart de ces études portaient sur de courtes expériences in vitro par lots (Conroy et Couturier, 2010 ; Monsees et al., 2017 ; Stewart et al., 2006) et sur un RAS opérationnel (Yogev et al., 2016) plutôt que sur une installation aquaponique. Bien que discuté dans une certaine mesure en théorie (Goddek et al. 2016 ; Yogev et al. 2017), la recherche doit commencer dès maintenant pour étudier systématiquement la réduction organique et la minéralisation des éléments nutritifs des boues de poisson pour les réacteurs aérobies et anaérobies et son effet sur la composition de l’eau et les plantes croissance. Par conséquent, ce chapitre vise à donner un aperçu des différents traitements des boues de poisson qui peuvent être intégrés dans des installations aquaponiques pour parvenir à la réduction organique et à la minéralisation des nutriments. Certaines approches de conception seront mises en évidence. On discutera de l’approche du bilan massique des éléments nutritifs dans le contexte du traitement des boues aquaponiques, et on élaborera une méthodologie spécifique pour quantifier le rendement du traitement des boues.